Le 8 janvier 2001,
la Ville de Bruxelles changeait de majorité politique. Bruno De Lille
(Agalev) était nommé Echevin chargé des Affaires flamandes,
de l'Egalité des Chances et de la Solidarité internationale.
Bruno de Lille a accepté de répondre à nos questions.
Lors des élections
communales vous avez fait campagne en tant que candidat ouvertement homosexuel.
Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?
Ce n'était pas l'essentiel de ma campagne. Je n'ai jamais dit «
votez pour moi parce que je suis gay ». Cependant, je n'ai jamais
caché mon homosexualité. Dans la période préélectorale
Agalev, mon parti, a édité des cartes postales pour expliquer
aux gens les objectifs du parti. Dans une des cartes postales, on voyait
deux garçons en train de s'embrasser. Agalev a toujours soutenu clairement
les revendications des homosexuels.
Pensez-vous qu'il
est important que des femmes et des hommes politiques homos s'impliquent
dans la politique et qu'ils soient ouverts concernant leur orientation sexuelle
?
Oui. Je pense que c'est important. Evidement il y a toujours des gens qui
disent que c'est du domaine du privé et que ce n'est pas important
dans le choix politique. Mais quand on voit les hommes politiques poser
dans un magazine avec sa femme et ses enfants, on ne dit jamais rien. Je
pense qu'il est bon que les personnes qui se trouvent à des postes
plus visibles, et qui sont un exemple pour la société, puissent
affirmer leur sexualité, sans honte. Il faut faire évoluer
les mentalités. On voit maintenant que les lois sont en train de
changer. Ce processus est lent, mais je pense qu'on va y arriver. Néanmoins,
ce n'est pas parce qu'on change les lois qu'on va changer les mentalités.
En outre, je pense que pour faire évoluer le mentalités il
va falloir que les homosexuels soient plus ouverts y compris les personnalités
connues.
Quel était
votre objectif principal concernant les homosexuels ?
Notre objectif principal était d'établir une relation de confiance
avec la communauté homosexuelle. L'équipe qui était
en place avant nous avait des mauvaises relations avec la communauté
gay et lesbienne de Bruxelles. L'ancien bourgmestre n'était pas très
sensible aux revendications des homosexuels. Il était un peu homophobe.
Il s'arrangeait toujours pour que la Gay Pride ne soit pas très visible,
il refusait que les couples homosexuels puissent signer le contrat de vie
commune dans la salle des mariages, il avait même interdit aux associations
gays d'utiliser les infrastructures de l'Hôtel de Ville. Voilà
quelques exemples qui illustrent les difficultés qu'avait la communauté
homosexuelle avec l'équipe précédente.
Concrètement,
qu'avez-vous fait pour changer la relation entre la Ville de Bruxelles et
la communauté homosexuelle ?
Quand j'ai été nommé à mon poste, j'ai immédiatement
dit qu'en tant qu'Echevin de l'égalité des chances, je voulais
travailler avec les gays et lesbiennes. Alors plus concrètement,
on a pris quelques décisions pour montrer le changement d'attitude
de la part des nouveaux responsables de la Ville de Bruxelles à l'égard
des homosexuels. Nous avons approuvé un parcours pour la Gay Pride.
Pour la première fois, la Gay Pride s'est déroulée
dans les rues principales et a été beaucoup plus visible.
Nous avons également habillé le Manneken-Pis avec un costume
pour la Gay Pride. En plus, cette année nous avons hissé le
drapeau arc-en-ciel sur l'Hôtel de Ville. Voilà quelques mesures
symboliques. Pour nous c'était une façon de dire aux homosexuels
qu'ils étaient les bienvenus. Néanmoins, au-delà des
ces mesures symboliques, nous avons pris quelques décisions plus
concrètes. Je pense notamment à la Maison Arc-en-ciel. La
Ville de Bruxelles apporte son soutien à ce projet. Nous louons les
infrastructures à des conditions très intéressantes
aux associations homosexuelles, nous subsidions ce projet et nous travaillons
ensemble avec les associations membres de la Maison Arc-en ciel. Les couples
qui souhaitent signer un contrat de vie commune peuvent le faire dans la
salle des mariages. De plus nous avons installé une cellule d'égalité
des chances dont le but est de réfléchir à une meilleure
collaboration entre la communauté homo et la Ville de Bruxelles.
Est-ce que les gens
qui se sentent victimes de discriminations peuvent faire appel à
votre département ?
Si cela concerne un service pour lequel la Ville est compétente,
oui. Mais si cela ne concerne pas un service de la Ville, nous ne pouvons
pas faire grande chose. C'est toujours bon de le savoir. Cependant, ce n'est
pas la Ville qui va vraiment intervenir, mais le Centre pour l'Egalité
des Chances qui s'occupera des cas de discriminations dues à l'orientation
sexuelle. Il y a aussi la FAGL et la FWH qui font un très bon travail.
Ils ont des spécialistes au sein des deux associations. Il faut savoir
que nous travaillons très étroitement avec ces deux fédérations.
Quand nous avons des questions ou besoin de leur avis, nous n'hésitons
pas à les contacter.
Est-ce que vous
travaillez avec les autres Echevins pour essayer de les sensibiliser aux
questions concernant les homos ?
Oui. Ce n'est pas toujours facile parce que chacun a des projets auxquels
il donne la priorité. Cependant, on a des discussions : par exemple
dans une action concernant le suicide des jeunes, ils avaient complètement
oublié l'aspect concernant les jeunes gays et lesbiennes. Nous en
avons discuté et ils sont en train de retravailler le projet. Je
dois toujours essayer de convaincre mes collègues. Je dois cependant
dire qu'ils sont ouverts à ces questions et qu'ils sont prêts
à se laisser convaincre.
Si la loi concernant
le mariage homosexuel est votée, est-ce qu'on assistera aux premiers
mariages à la Ville de Bruxelles ?
Ça j'en suis sûr, et je suis prêt à me marier
(rires). Moi j'ai également envie de me marier mais je ne veux pas
être le premier. Ils seront les bienvenus à la salle des mariages
avec tous les égards et je suis prêt à célébrer
des mariages.
Qui réalise
les mariages à l'Hôtel de Ville ?
C'est l'Echevin de l'Etat Civil. Mais quand il a un empêchement, il
demande à ses collègues de le remplacer. Moi je célèbre
régulièrement des mariages parce que j'aime ça.
Mei 2002
Bron: www.clubgay.be
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